24.6.08

Signe des temps


Ce 5 juillet a été ouvert à Berlin un musée de cire de Mme Tussaud, sur le modèle de celui de Londres. Sur deux étages sont exposés 75 statues de cire de personnalités de la politique, du sport ou du showbusiness comme Marlene Dietrich, Albert Einstein, Oliver Kahn, la chancelière Angela Merkel ou Karl Marx.

Sans oublier Adolf Hitler.

Et justement, c'est ce dernier qui, une fois encore, agite l'opinion.
On a débattu, cogité, pesé le pour et surtout le contre. Le Führer a-t-il vraiment sa place dans ce musée? Le thème reste décidément très sensible.

Finalement c'est un homme brisé que l'on a choisi de modeler, un homme au regard sombre, assis à un bureau dans un bunker, avec, au mur, une carte de l'Europe montrant l'approche des alliés.

Un bon compromis qui n'a visiblement pas suffit. Le deuxième visiteur, un ancien policier, marche résolument vers la statue, crie "plus jamais la guerre" et lui arrache la tête. Il a déclaré peu après avoir été en colère depuis plusieurs jours en apprenant que Hitler faisait partie de l'exposition mais aussi avoir pensé l'action comme un pari avec des amis, non pour l'argent mais pour la gloire... Les deux choses semblent certes un peu contradictoires mais sont aussi symptomatiques de ce que l'Allemagne vit depuis la fin de la guerre. Un très fort sentiment de culpabilité qui se transmet de générations en générations avec maintes résurgences douloureuses.
C'est ainsi que j'ai entendu de la bouche de germains de mon âge qu'ils étaient certes fiers d'être Allemands, mais qu'ils n'osaient pas forcément le dire. C'est difficile à rendre avec des mots ; bien sûr, ils n'ont pas peur de dire leur nationalité mais ils ne se sentent pas le droit de dire leur fierté. Là encore, il faut mettre toutes les nuances, ce sentiment est en perpétuel mouvement, et par exemple la coupe du monde 2006 à fait émerger des choses très fortes, rien que par le drapeau qui a été affiché partout et que chacun possédait.

Pour en revenir à notre statue (j'ai failli mettre des guillemêts à "notre" et puis non, il est temps de détabouiser) (quoique on pourrait voir dans ces parenthèses une tentative de justification et on aurait peut-être pas tort), son décapiteur a déclaré plus tard se repentir de son acte (mais pour la gloire c'était quand même réussi) et n'a finalement dû payer aucune réparation (La statue a couté somme toute 200 000 euro...), étant insolvable.

Un journaliste colognais s'insurgeait ainsi de l'interdiction d'approcher la statue et réclamait le droit, comme pour toutes les autres figurines, de faire des photos bouffones avec elle, ou de lui pincer les fesses. Ce serait là certainement la meilleure des revanches sur un être qui, à force d'être diabolisé, reste intouchable, presque "sacré" (et là, les guillemêts s'imposent!)