31.3.13

L'appel

 
Le vent se lève qui s’attaque à un chignon sans faille
Des mèches de cheveux s’échappent en bataille
Tandis que sautent les épingles et s’essaiment

Une bourrasque lève les feuilles jaunies,
Qui s’emmêlent dans la crinière en folie
Et collent à la peau leur poème

La poussière tourbillonne, se plaque partout
Dessine des peintures de guerre sur les joues

Un cyclone déchire la petite veste et la chemise à col
Les chaussures vernies s’envolent

Une sauvageonne pieds nus et en haillons
Marche vers le soleil chantant à pleins poumons
Et la brise murmure « bohème bohème »

12.3.13

Le régiment des bancals


Une plume au garde à vous
A pris du plomb dans l’aile

Garde à vous ! Garde à vous !
Je tombe – s’écrit-elle

Un garde au plumez vous
S’en vint à tire d’aile

Garde fou ! Garde fou !
Je vous tiens ma belle

Mais la plume a un poids
Et, tombant de Charybde en Sylla
Ils atterrissent cahin-caha
Sur le défilé de loqueteux qui passait là

Rien ne sert de périr
Il faut se sauver à point
On n’empêche personne de se flétrir
En s’échouant en vain

9.3.13

A (-) propos

Chers martyrs de l’orthographe,

A l’ère du sms, vous vivez le martyre.  Soit !
En soi, on communique à l’envi, mais l’envie de vérifier dans le dictionnaire est partie. Peut-on en prendre son parti ? Est-il vraiment sensé de s’offusquer davantage à propos de la forme que du fond ? N’est-il pas d’avantage de se concentrer sur le message et son à-propos ? Les cahots de l’orthographe sont-ils censés entrainer le chaos ?

Les pauvres hères aux grands airs, en habits de soie verts, à qui notre chère langue tient tant à cœur, ont de tous temps élevé leurs voix en chœur du haut de leurs chaires. Comme blessés dans leurs chairs, ils veulent nous remettre sur la bonne voie. Pour mettre les fautes au ban, il faut (re)venir sur les bancs de l’école. Le français erre dans des abîmes d’ignorance, ces mauvais auspices vont le mener droit à l’hospice. Il faut taper du poing sur la table et mettre les points sur les i. Tels des jeunes filles aux yeux en amande terrorisées par de vieux satyres, ils mettent à l’amende  cette satire que le français est devenu.

Eh ! Oh ! Il ne faudrait pas exhausser ce qui n’a pas lieu de l’être. Exaucer les prières des différents gardiens de la bienséance verbale, voire régler leurs différents ne me sied guère. Mais c’est de bonne guerre.

Et, ô surprise, c’est avec un entrain non feint que je suis en train de me rallier à la cause. Je ne vais pas en faire un flan et porter le flanc à la critique mais j’ai faim de ces nuances sans fin de la langue. Une seule lettre changée à dessein et le dessin de la phrase est transformé. Ce n’est pas un conte et je compte bien vous le montrer avec une petite mise en abyme que j’affectionne : «  si au matin tu vois un oiseau sur un lac, c’est un cygne ». C’est très drôle ma foi, de confondre le volatil volatile avec un signe des dieux. Notons que n’importe quel oiseau ne ferait pas l’affaire. Le geai, noir de jais, ou le serin pas serein, par exemple, n’ont rien à faire dans cette histoire. 

Cependant, en mon for intérieur, je suis fort attristée de la tournure des événements (et oui, parfois Marie est marrie). Des fois, (je sais on dit « parfois », considérez cette occurrence comme une licence poétique), j’ai les foies (autant pour la poésie).  Mais comme disait François 1er : « tout est perdu, fors l’honneur ».

Les conclusions de nos pères sur l’incapacité linguistique croissante de leurs pairs me laissent sceptique. Une paire d’yeux pers sur leur rhétorique et on le voit : l’encre de leur argumentation septique (oui, comme la fosse du même nom) écrit une mauvaise ballade tandis que mon esprit lève l’ancre et part en balade. 

Pour faire court, cette chasse à courre à l’appauvrissement de notre langue a cours depuis des siècles, et fait seulement la cour à des égos en mal de reconnaissance. Car malgré les pâtés de nos têtes blondes et la pâtée infligée dans un premier temps par l’avènement des moyens de communication rapide, la créativité linguistique croît, si l’on m’en croit, bon gré mal gré. Il faut le voir, voire l’observer pour en mesurer l’ampleur. Et s’il vous plait en considérant le verre à moitié plein plutôt que le ver dans la pomme car raisonner de façon positive laisse le positif résonner et se propager. Ce sont les prémisses du gai savoir, prémices du passage à gué vers de nouveaux horizons linguistiques. 

Et ce n’est pas une tribu de tristes sires refusant le tribut des jeunes générations qui changera notre avis ; on ne scelle pas d’un sceau de cire ce qu’on veut brider mais on enlève la selle du fougueux destrier de l’imagination. Par tous les saints, ne cachez plus ce sein que l’on saurait voir, c’est le seing d’un esprit sain. On n’est pas des sots la tête dans un seau et on sait faire le saut d’un registre à l’autre. Pas besoin d’un gène particulier pour éviter que ça ne nous gêne.

Il ne s’agit pas là de mettre au rancart un pan de notre langue ; l’ancien français a rencard avec sa descendance pour une session cession - de - terrain. Et sans heurts, ils auront l’heur de se plaire, à la bonne heure ! Trouver une langue sans tache est une tâche difficile. Mais pour qui ne s’impose aucun filtre, l’exercice est un philtre. Une goutte de curiosité et on goûte de nouveaux savoirs.
Et pour roder les anciens, rien de mieux que de rôder ; sortir de son repaire pour trouver de nouveaux repères. Et bientôt, le plaisir sera aussi grand qu’être installé au coin du feu, un bon tome à la main, en dégustant une tomme et du vin.

Les changements subits sont souvent subis. Mais si on est prêt à y consentir, n’oublions pas non plus de rester au plus près du sens que l’on veut donner à notre pensée. La signification que l’on pose sur nos mots ne peut connaître de pause.

Nous possédons un fonds linguistique si riche, que cela peut nous occuper des fonts baptismaux à la bière pour l’explorer de fond en comble. Pour sûr, on ne va pas mettre notre langue en tôle et se laisser tauler par des rabat-joie (oui sans s, moi aussi j’ai haussé les sourcils). On peut le dire sans piquer un fard, nous serons le nouveau phare dans le brouillard du bon français, bon comme le beurre du far breton, bon comme glisser sur la neige après avoir mis du fart sous ses skis. 

On prend les rennes de notre discours en main, et échec à la reine, au roi et au père noël et ses rênes qui nous apporteront quand même des cadeaux parce qu’on est sages malgré tout.