Chers martyrs de l’orthographe,
A l’ère du sms, vous vivez le martyre. Soit !
En soi, on communique à l’envi, mais l’envie de vérifier
dans le dictionnaire est partie. Peut-on en prendre son parti ? Est-il
vraiment sensé de s’offusquer davantage à propos de la forme que du fond ?
N’est-il pas d’avantage de se concentrer sur le message et son à-propos ?
Les cahots de l’orthographe sont-ils censés entrainer le chaos ?
Les pauvres hères aux grands airs, en habits de soie verts,
à qui notre chère langue tient tant à cœur, ont de tous temps élevé leurs voix
en chœur du haut de leurs chaires. Comme blessés dans leurs chairs, ils veulent
nous remettre sur la bonne voie. Pour mettre les fautes au ban, il faut
(re)venir sur les bancs de l’école. Le français erre dans des abîmes
d’ignorance, ces mauvais auspices vont le mener droit à l’hospice. Il faut
taper du poing sur la table et mettre les points sur les i. Tels des jeunes
filles aux yeux en amande terrorisées par de vieux satyres, ils mettent à
l’amende cette satire que le
français est devenu.
Eh ! Oh ! Il ne faudrait pas exhausser ce qui n’a
pas lieu de l’être. Exaucer les prières des différents gardiens de la
bienséance verbale, voire régler leurs différents ne me sied guère. Mais c’est
de bonne guerre.
Et, ô surprise, c’est avec un entrain non feint que je suis
en train de me rallier à la cause. Je ne vais pas en faire un flan et porter le
flanc à la critique mais j’ai faim de ces nuances sans fin de la langue. Une seule
lettre changée à dessein et le dessin de la phrase est transformé. Ce n’est pas
un conte et je compte bien vous le montrer avec une petite mise en abyme que
j’affectionne : « si au matin tu vois un oiseau sur un lac, c’est un
cygne ». C’est très drôle ma foi, de confondre le volatil volatile avec un
signe des dieux. Notons que n’importe quel oiseau ne ferait pas l’affaire. Le
geai, noir de jais, ou le serin pas serein, par exemple, n’ont rien à faire
dans cette histoire.
Cependant, en mon for intérieur, je suis fort attristée de
la tournure des événements (et oui, parfois Marie est marrie). Des fois, (je
sais on dit « parfois », considérez cette occurrence comme une
licence poétique), j’ai les foies (autant pour la poésie). Mais comme disait François 1er :
« tout est perdu, fors l’honneur ».
Les conclusions de nos pères sur l’incapacité linguistique croissante
de leurs pairs me laissent sceptique. Une paire d’yeux pers sur leur rhétorique
et on le voit : l’encre de leur argumentation septique (oui, comme la
fosse du même nom) écrit une mauvaise ballade tandis que mon esprit lève
l’ancre et part en balade.
Pour faire court, cette chasse à courre à l’appauvrissement
de notre langue a cours depuis des siècles, et fait seulement la cour à des
égos en mal de reconnaissance. Car malgré les pâtés de nos têtes blondes et la
pâtée infligée dans un premier temps par l’avènement des moyens de
communication rapide, la créativité linguistique croît, si l’on m’en croit, bon
gré mal gré. Il faut le voir, voire l’observer pour en mesurer l’ampleur. Et
s’il vous plait en considérant le verre à moitié plein plutôt que le ver dans
la pomme car raisonner de façon positive laisse le positif résonner et se
propager. Ce sont les prémisses du gai savoir, prémices du passage à gué vers
de nouveaux horizons linguistiques.
Et ce n’est pas une tribu de tristes sires
refusant le tribut des jeunes générations
qui changera notre avis ; on ne scelle pas d’un sceau de cire ce qu’on
veut brider mais on enlève la selle du fougueux destrier de l’imagination. Par
tous les saints, ne cachez plus ce sein que l’on saurait voir, c’est le seing
d’un esprit sain. On n’est pas des sots la tête dans un seau et on sait faire
le saut d’un registre à l’autre. Pas besoin d’un gène particulier pour éviter
que ça ne nous gêne.
Il ne s’agit pas là de mettre au rancart un pan de notre
langue ; l’ancien français a rencard avec sa descendance pour une session
cession - de - terrain. Et sans heurts, ils auront l’heur de se plaire, à la
bonne heure ! Trouver une langue sans tache est une tâche difficile. Mais
pour qui ne s’impose aucun filtre, l’exercice est un philtre. Une goutte de
curiosité et on goûte de nouveaux savoirs.
Et pour roder les anciens, rien de mieux que de rôder ; sortir de son repaire pour trouver de nouveaux repères. Et bientôt, le plaisir
sera aussi grand qu’être installé au coin du feu, un bon tome à la main, en
dégustant une tomme et du vin.
Les changements subits sont souvent subis. Mais si on est
prêt à y consentir, n’oublions pas non plus de rester au plus près du sens que
l’on veut donner à notre pensée. La signification que l’on pose sur nos mots ne
peut connaître de pause.
Nous possédons un fonds linguistique si riche, que cela peut
nous occuper des fonts baptismaux à la bière pour l’explorer de fond en comble.
Pour sûr, on ne va pas mettre notre langue en tôle et se laisser tauler par des
rabat-joie (oui sans s, moi aussi j’ai haussé les sourcils). On peut le dire
sans piquer un fard, nous serons le nouveau phare dans le brouillard du bon
français, bon comme le beurre du far breton, bon comme glisser sur la neige
après avoir mis du fart sous ses skis.
On prend les rennes de notre discours en main, et échec à la
reine, au roi et au père noël et ses rênes qui nous apporteront quand même des
cadeaux parce qu’on est sages malgré tout.