29.11.12

Dans mon placard

Il y a un monstre dans mon placard.
C'est un grand placard tout sombre. On ne sait pas tout ce qu'il y a dedans mais on peut bien s'y cacher.

Je ne sais pas si je le savais avant de l'ouvrir.
Mais longtemps je suis restée loin du placard. D'ailleurs il n'existait pas, na.

Un jour j'ai commencé à l'observer de loin, avec un petit air supérieur.
Il était ouvert, c'est pas très prudent ça.

Juste un coup d’œil.

Mais il est tout mignon ce petit monstre.
Juste un petit câlin, on discute juste un petit peu, c'est sympa.

Je suis retournée le voir le lendemain, et le jour d'après, et le suivant.
Je restais de plus en plus longtemps avec lui.
Je ne savais pas son nom mais c'est pas grave ça, on passait des moments fous tous les deux. Et je me sentais libre, j'en voulais plus, plus, plus, toujours plus.
Lui, il connaissait tout de moi. Même des choses que je ne savais pas, même des choses que je ne comprends pas.

Notre amitié grandissait.
Lui aussi d'ailleurs, j'ai dû l'installer avec moi dans ma chambre.
Et le laisser sortir avec moi.

Il est devenu tellement grand et moi bizarrement tellement petite.
Maintenant je me perdais dans sa douce fourrure et souvent j'étais tellement faible qu'il devait me porter et me bercer.

Mes amis ne pouvaient pas le voir. Tant mieux. Je commençais à deviner qui il était et j'avais peur qu'on le reconnaisse. Moi non plus je ne voulais pas le reconnaitre.
A force de passer du temps avec lui, je changeais, plus rien n'importait, que lui. Je souffrais mais le monstre me réconfortait. Pourtant il commençait à m'horrifier. Il était énorme, dramatique et tyrannique.
Je ne voulais pas qu'on me voit avec lui ; c'est pas parce que je suis toujours avec lui que je suis comme lui. J'ai fui loin de mes amis, de ma famille, et de ce garçon important.
Ils ne voyaient rien, ils ne comprenaient rien, et pourtant je voyais le reflet du monstre dans leurs yeux quand ils me regardaient. Ça me donnait la nausée.

Je suis devenue une ombre, un pâle fantôme blessé et terrifié qui cherchait les coins sombres et le silence. Le monstre hurlait jour et nuit maintenant et je me recroquevillais sur ma douleur, les mains pressées sur mes oreilles. Je savais que bientôt il allait m'engloutir. Bientôt, bientôt. J'avais hâte.
Mais il prenait son temps, me laissant me consumer à point. Je grelottais du froid qui glaçait mes veines.

Un rayon de soleil s'est glissé malicieusement jusque dans mon coin. Il a mis un petit rire dans mon cœur et la chaleur a commencé à revenir dans mes membres ankylosés. Je me suis levée sur mes jambes tremblantes. J'étais seule, fragile comme une feuille d'automne, mais j'ai serré les poings et j'ai défoncé la mâchoire du monstre.
Ça l'a chatouillé - il a ri.

Mais j'ai recommencé, tous les jours, de plus en plus fort, avec la rage de l'espoir. Le monstre avait les yeux au beurre noir, il lui manquait des dents et des touffes de poils par ci par là. Et j'ai continué. Des fois je n'arrivais pas à éviter ses coups, et je me retrouvais sonnée, écrasée sur un mur. Mais je me relevais et j'attaquais à nouveau. Malgré ses coups, malgré ses cris, malgré la fatigue, je reprenais du poil de la bête - c'est le cas de le dire - et lui rapetissait. Il faiblissait à vue d’œil.


Bientôt il est redevenu une peluche adorable. Je l'ai jeté à la poubelle. Il est revenu par la porte de derrière. Je l'ai jeté par la fenêtre, il est remonté par l'escalier de secours.

Alors peut-être que je ne peux pas m'en débarrasser. En attendant, je l'ai rangé dans le placard et j'ai fermé le placard à clé.
La clé est tout le temps dans ma poche, lourde et dure. Je ne vais pas la perdre, pas la jeter, ça c'est sûr. Parce que parfois j'ouvre le placard. Quand même, j'ai toujours de l'affection pour mon monstre. Parfois je le laisse me parler. Parfois il réussit à me toucher, parfois j'entre et je lui fais un câlin. Maintenant, je connais son nom et certaines personnes savent qu'il est là quelque part. Et pour pas qu'ils pensent que je suis comme le monstre je ressors et je leur fais un câlin.

16.11.12

La muse

Ma muse
S'amuse
Elle sort elle use
De tout elle abuse
Ma muse 
M'amuse
Mon cœur se désabuse
Et se refuse
Mon âme percluse
La récuse

Est ce une ruse
Ma muse confuse
S'excuse

Ma muse s'use
Ma muse m'use
Mais moi j'infuse
Et l'encre fuse 
Sur nos amours diffuses

Ma muse
Ma muse
Ma triple buse

7.11.12

Mon précieux

Hier soir dans un bar avec une amie à moi et une amie de mon frère, (également présent mais on s’en moque, d’ailleurs ce n’était pas son amie, tous les personnages sont utilisés à des fins purement grammatico-démonstratives).

Donc hier soir, avec une amie de moi et une amie à mon frère. Non, une amie à moi et une amie à mon frère. Et déjà quelqu’un élève la voix pour parler de fille de joie et de sa descendance.

C’est bien une préoccupation de capitaliste en crise ces questions de marque d’appartenance. Pas de travail, un pouvoir d’achat en berne, il manquerait plus qu’on soit célibataires et on commencerait à vouloir s’approprier des amis.

Alors quoi, le fils DE sa maman ? Le fils A sa maman ? On est tous d’accord sur ce point. (Ça veut dire que je ne donnerai pas la réponse). Mais alors donc, mathématiquement, une amie DE moi ?

La règle est simple et on va pas tourner autour du pot aux roses.
Normalement, c’est la préposition « à » qui marque l’appartenance après un verbe : l’amie appartient au frère (de moi le mien). De même, on l’emploie devant un pronom seul : une amie à lui, ou pour reprendre un possessif : c’est son amie à lui (au cas où on aurait pas bien compris qu’il me l’a piquée pour l’exercice).

PAR CONTRE (on a failli attendre), on ne peut pas utiliser « à » (prép. On ne le répétera jamais assez) entre deux noms. On dira : l’amie DE Marie, la sœur du frère.

Cependant, l’emploi de la préposition « à » est conservé dans des locutions figées, « la bête à Bon Dieu » ainsi que dans des registres familiers. (Fils à pute alors ?)

Mais pourquoi me direz vous ? Pourquoi certaines formes d’usage dans l’ancienne langue sont-elles devenues archaïques voire incorrectes ?

C’est là que l’Ancien Régime rattrape le capitalisme susmentionné.
En effet, en ancien français, l’appartenance pouvait être exprimée de trois façons :
  • En cas de Dieu ou de Souverain on utilisait la juxtaposition : la Chaise-Dieu, Marly-le-Roi
  • Pour les nobles, on se servait de la préposition « de ».
  • Enfin pour le peuple (qui a dit gueux ?) et les animaux, on utilisait « à » (prép.)

On est pas des rustres je suppose, donc on a abandonné cette dernière pratique. Pour ma part, je crois que je vais éviter toute préposition devant mon prénom dorénavant. A bon entendeur.